Zando, Kinshasa : une nouvelle architecture pour le marché africain
- ARCHIGENIEAFRIK
- 29 mai
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La reconstruction du grand marché central (Zando) de Kinshasa est portée par l’agence Think Tank (avec Egis) pour le compte de la SOGEMA. Le programme couvre environ 80 000 m² (soit l’équivalent de quatre terrains de football) et comprend près de 600 boutiques, un food court, un pôle logistique avec froid, ainsi qu’un pôle tertiaire de soutien (commissariat, centre de secours, services vétérinaires, etc.).
Ce vaste complexe doit redynamiser ce lieu historique, en offrant accessibilité et confort renforcés à tous les usagers. Comme le note la presse, il s’agit de « limiter le recours au second œuvre et à la technique » pour favoriser l’architecture brute et locale. Le chantier, entamé après plusieurs années d’études (2020‑2022), a été achevé fin 2024, marquant le retour en force d’un marché public structurant pour la capitale congolaise.
Un parti pris architectural affirmé
Think Tank, Grand Marché Central, Kinshasa, Congo
Sur ce rendu extérieur du projet, on reconnaît clairement le style « brutaliste et tropical » revendiqué par Think Tank. Les volumes imposants en béton brut sont percés d’ouvertures rythmées et abrités sous de vastes toits en porte-à-faux. L’agence a conçu un édifice qui se veut monumental et pérenne, tout en réinterprétant des formes vernaculaires (façades en brique alvéolée rappelant l’architecture locale).
Dans la logique du « limiter le second œuvre », la structure est simplifiée : les planchers sont en dalles-« champignons » en béton, soutenus par des piliers massifs, tandis que les murs rideaux et garde-corps utilisent de la brique de terre cuite locale. Ce choix de matériaux renvoie à la fois à la tradition de maçonnerie africaine et à la nécessité de robustesse.
Il permet aussi de réduire l’importation de matériaux sophistiqués et la maintenance technique, enjeu non négligeable dans le contexte congolais. Au final, le parti pris est un équilibre entre formes modernistes (béton apparent) et accents tropicaux (briques chaudes, percements filtrant la lumière), créant un « monde brut » qui reste familier.
Adaptation au climat tropical
L’édifice applique des principes de bioclimatisme stricts : on privilégie les solutions passives pour rafraîchir naturellement l’air et limiter la chaleur. Think Tank détaille plusieurs stratégies clés de confort climatique :
Ventilation naturelle passive (générée par les atriums et la hauteur du bâtiment). De vastes vides intérieurs et des cheminées d’air en toiture créent un tirage naturel, facilitant la circulation de l’air chaud vers le haut.
Protection solaire au moyen de brise-soleil et auvents performants. Les toitures débordantes et les pergolas projectent des ombres sur les façades en brique, réduisant sensiblement le rayonnement direct et la surchauffe des parois.
Végétation interne abondante. Un grand patio central planté agit comme un « pulmonaire vert » : les arbres apportent de l’ombre, et par évapotranspiration ils rafraîchissent l’air ambiant.
Think Tank, Grand Marché Central, Kinshasa, Congo
Ces dispositifs minimisent ainsi l’utilisation de la climatisation mécanique et créent une ambiance plus supportable sous les tropiques.
Au cœur du marché, un vaste atrium végétalisé illustre cette démarche bioclimatique : de grands plans d’eau et des alignements d’arbres tropicaux y procurent ombre et fraîcheur.
Selon les architectes, cette forêt intérieure « régule la température, évapore de l’eau et filtre l’air par photosynthèse ». Les plantes tropicales améliorent le confort thermique et symbolisent la connexion sociale : elles transforment l’espace marchand en véritable jardin public couvert, propice aux rencontres et à la détente entre les étals.
Matériaux locaux et durabilité
Pour s’adapter au contexte urbain et climatique de Kinshasa, le choix des matériaux est essentiel. Think Tank mise sur le local : la structure en béton armé (fondations, poteaux et dalles) utilise un matériau disponible dans la région, fiable et à haute inertie thermique.
Les façades et garde-corps sont en brique de terre cuite – matériau traditionnel en RDC – qui présente un bon déphasage thermique et résiste bien aux ambiances chaudes et humides.
Ce combo béton/brique constitue deux ressources locales majeures. Il limite l’empreinte carbone du projet et la dépendance aux importations. Par ailleurs, le béton brut et la brique cuite vieillissent progressivement, ce qui simplifie l’entretien dans le temps. L’aspect ocre de la brique s’harmonise avec le paysage urbain congolais, tandis que sa robustesse protège de l’humidité tropicale. Au total, la structure massive, les dalles en « champignons » et les parements épais dessinent un bâtiment au microclimat tempéré par ses matériaux.
Les marchés en Afrique : lieux de commerce et de lien social
Ce projet à Kinshasa s’inscrit dans une dynamique plus large : les marchés publics africains retrouvent une architecture ambitieuse, affirmant leur rôle économique et social. Malgré la montée du commerce en ligne, de nombreuses villes subsahariennes continuent de dépendre de ces espaces physiques où se croisent vendeurs informels et consommateurs.
L’architecture moderne cherche à traduire cette importance collective : on puise dans la tradition (places centrales, arbres sacrés, motifs locaux) et dans la nature pour organiser les halles. Par exemple, plusieurs projets récents s’inspirent de la symbolique de l’arbre – comme point de ralliement – pour structurer l’espace de marché.
En ce sens, le Marché central de Kinshasa, avec ses cours ombragées et sa mise en œuvre matérielle vernaculaire, deviendra moins un simple lieu de troc qu’un véritable espace communautaire. Les architectes visent à en faire un équipement emblématique : un lieu de commerce moderne et de rencontres culturelles, où l’héritage architectural africain se mêle aux besoins contemporains.
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